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Le Déclencheur

Ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.  Tout naturellement ils devinrent des héros.
La Princesse Leia

MON HÉROS INTÉRIEUR

Lorsque j'étais adolescente, je passais mes soirées d'été étendue sur la table à pique-nique, derrière chez nous, à contempler les étoiles.  Je m'amusais à imaginer ce que pouvait être la vie dans d'autres galaxies.  Depuis la sortie de 2001 : Odyssée de l'espace, mon cœur se languissait de voir enfin un film qui m'emporterait ailleurs, loin de cette petite roche bleue.

En août 1977, alors que je traversais New York, je fus assaillie par une avalanche publicitaire sur Star Wars.  Mais quelle était donc cette folie?  J'achetai le livre et lus, sur le chemin du retour, le premier volet des aventures de Luke Skywalker.  Une fois rentrée, je m’empressai d’aller voir le film.  Cette expérience changea ma vie à tout jamais.  Je me rappelle encore exactement comment je me suis sentie, plongée dans l'obscurité du cinéma, alors que je tombais inconditionnellement en amour avec cet univers, m'identifiant totalement à Luke Skywalker, l'incarnation parfaite de mon héros intérieur.

Mark Hamill m'avait tellement émue dans son interprétation de Luke, qu'il me fallait le lui dire en personne.  Je me souviens de m'être juré : « Je vais rencontrer cet homme un jour. »

Personne ne comprenait qu'une femme de vingt-quatre ans soit si fascinée par ce film.  Ce gigantesque travail d'amour et de minutie m'avait instantanément conquise.  Même si j'étais éblouie par les effets spéciaux et l'incroyable originalité de cet univers tout nouveau, j'étais touchée jusqu'au plus profond de mon âme par le message symbolique et spirituel.  J'apprends encore aujourd'hui des enseignements d'Obi-Wan Kenobi et de Yoda.  Et tout cela a été possible parce qu'un homme a osé rêver et faire de son rêve une réalité.

En 1980, avec la sortie de L'Empire contre-attaque, je surmontai finalement ma gêne du ridicule en devenant membre du Star Wars Fan Club.  Je commençai alors à collectionner des centaines d'articles de magazine sur Star Wars et Mark Hamill.  En 1983, quelques semaines après la sortie du Retour du Jedi (prononcer « djédaï »), je me rendis à New York pour admirer mon idole dans le rôle titre de la pièce Amadeus.  Il y incarnait, avec un talent époustouflant, le génial compositeur.  Quel délice!

Après la pièce, je me postai à l’extérieur de l’entrée des artistes avec mon mari afin d’attendre la sortie de mon idole.  Un petit groupe d’admirateurs se pressait devant la porte.  À l'insu du gardien qui en bloquait l’accès, j'eus l'audace de me faufiler à l’intérieur pour intercepter Mark Hamill et lui demander d'autographier mon livre de poche Return of the Jedi.  Pas question de rentrer à Québec bredouille!  Le magazine de science-fiction américain Starlog a d'ailleurs publié la lettre dans laquelle je décrivais cet événement.

Même si j'étais très heureuse de voir enfin Mark Hamill et de le serrer dans mes bras, cela ne s'était pas déroulé comme je l'avais prévu.  En effet, depuis plus de six ans, je rêvais de le rencontrer par hasard.  Je le voyais sur le bord d'une route, sa voiture en panne, et cherchant de l'aide.  Je passais justement par là pour lui prêter main-forte.  Alors, j’ai continué de faire de la visualisation, bien avant que je connaisse l’existence de ce mot!  Le réalisateur du film de ma vie (l'Univers), dont le budget et les scénarios sont beaucoup plus extravagants que les miens, planifia donc cette rencontre magique pour mon plus grand plaisir.

 

LA RENCONTRE FORTUITE TANT ESPÉRÉE

Tout a commencé quand je téléphonai à East Haddam, au Connecticut, afin d'acheter deux billets pour la première de la pièce Harrigan'N Hart, le 10 juillet 1984.  Mark Hamill y tenait le rôle titre de Tony Hart.  La vendeuse me demanda :

- Avez-vous trouvé à vous loger?

- Non, pas encore, lui répondis-je.

- Je vous recommande le Bishopsgate Inn.  Cette auberge saura sûrement vous plaire.

En faisant les réservations, Julie, la propriétaire de l'auberge, me précisa que nous étions les tout premiers et que nous avions le meilleur choix.

- Je vous propose ma plus belle chambre, la chambre verte avec salle de bains et entrée privées.

Évidemment, c'était la plus chère.  Même si Yves était sans emploi, j'estimais que nous méritions ce petit luxe (skywalker) qui ferait de ce voyage une expérience agréable et, je l'espérais, inoubliable.  Voyant un signe en toute chose, je me dis, puisque le vert est la couleur préférée d'Yves, que cette chambre nous était destinée.  J'acceptai la proposition de Julie, étant à mille galaxies de me douter combien cette décision pas très raisonnable allait changer ma vie.

Après neuf heures de route, mon mari et moi débarquions dans ce mignon petit village.  Julie était très accueillante et son auberge, des plus chaleureuses.  Le repas terminé, nous passâmes au salon où je racontai à notre charmante hôtesse l'objet de notre visite.

Je lui dis que j’avais apporté avec moi un cartable où j'avais réuni plus de trois cents articles sur mon idole Mark Hamill.  Comme elle voulait le voir, j’allai dans ma chambre pour le prendre.  En ouvrant ma valise placée sur une chaise sous la fenêtre, mon regard fut attiré par une voiture qui arrivait dans l'entrée voisine.  Un homme blond aux cheveux bouclés en descendit.  Il portait des jeans, un tee-shirt jaune et des verres fumés.  Il tenait une assiette de la main gauche et marchait d'un pas plus que familier.  Ayant vu la trilogie Star Wars plus d’une fois, je le reconnus immédiatement.

Le cœur battant la chamade, je m’empressai de retourner au salon.

- Qui sont vos voisins, demandai-je à Julie.

- Oh!  La maison est mise à la disposition des acteurs du Goodspeed Opera House.

Plus de doute, c’était bien lui!  J’aurais bien voulu aller frapper à sa porte, mais Yves et Julie réussirent à m’en dissuader, me rappelant combien la veille d’une première est importante pour un acteur.

- Je pourrais demander à mon amie journaliste de vous obtenir un entretien avec votre idole dès demain, me suggéra Julie pour me calmer.

- Quelle bonne idée… répondis-je piteusement, comme on accepte une pénitence, n’appréciant pas vraiment les rencontres organisées.

La soirée était belle et chaude et de notre chambre je pouvais l'entendre, lui, répéter les airs de la comédie musicale que nous irions voir le lendemain.  Malgré l'irrésistible envie de sonner à sa porte, je restai debout derrière la moustiquaire de notre entrée privée à l'écouter.  Mon mari se retira pour la nuit, mais pas moi.  Je m'étais promis d'aller au lit seulement une fois qu'il serait parti.

Vers 22 h 15, les chants et le piano se turent et Mark Hamill sortit suivi de Max, le pianiste.  Ils blaguèrent à propos de la pleine lune et des vampires.  Puis Max rentra et Mark monta dans sa voiture.  Même si la crainte de l'importuner m'empêchait de le retenir, je défaillais devant cette occasion inespérée que je laissais s'envoler à tout jamais.

Il faisait marche arrière pour sortir du stationnement, pendant que je me répétais tout bas « Mon Dieu, je ne veux pas qu'il s'en aille...  S'il vous plaît, faites qu'il reste encore un peu... »  Et subitement, sa voiture percuta bruyamment quelque chose sur le terrain de l’auberge.  La roue arrière tournait dans le vide, le pare-chocs bien appuyé sur la pelouse.

Brusquement tirée de ma rêverie, je n'osais pas en croire mes yeux.  Étais-je soudainement investie de pouvoirs surnaturels?  Tout semblait s'être déroulé au ralenti, par la seule force de ma volonté.  Mark Hamill descendit de sa voiture et appela Max, sans réponse.  J'ouvris la porte lentement et il se tourna vers moi…

 

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